Lutte contre l’illettrisme : le ministère et l’inspection générale se défaussent sur les enseignant⋅es

L’inspection générale de l’éducation nationale a publié un rapport en mai 2022 portant sur la lutte contre l’illettrisme.

SUD éducation partage un double constat alarmant.

D’abord, près de 10 % des enfants de 16 ans sont dans une situation qui relève de l’illettrisme (pour une moitié d’entre eux) ou s’en approche (pour l’autre moitié). Cela signifie que dans chaque classe de 35 élèves de lycée général et technologique, environ trois élèves se trouvent dans une telle situation.

Ensuite, l’inspection générale relève qu’il n’existe à l’heure actuelle aucun pilotage stratégique à l’échelle nationale ou académique.

Mais c’est pour aussitôt faire peser le poids de la responsabilité de l’échec de l’institution sur les personnels enseignants, qui vivraient “comme une fatalité” l’échec des élèves, qui serait le résultat de la “négligence” des personnels. L’inspection explique ainsi que les personnels ne s’approprieraient pas suffisamment les résultats des évaluations nationales, comme si les enseignant⋅es n’étaient pas capables de comprendre qu’un⋅e élève éprouve des difficultés de lecture. Et d’ajouter que les élèves méritent une “excellence pédagogique”, en ajoutant une liste de dispositifs déjà mis en œuvre par les enseignant⋅es.

Pour permettre aux personnels de mettre en œuvre les dispositifs pédagogiques adaptés, il est nécessaire de consacrer des moyens importants à l’éducation, à commencer par une augmentation significative du taux d’encadrement et le renforcement des moyens accordés à l’éducation prioritaire. De même, la formation continue des personnels doit permettre une appropriation et une construction collectives, sur un temps long. Pour l’heure, la formation est trop souvent uniquement un moyen pour le ministre d’imposer ses vues en matière de pédagogie aux personnels.

La logique de ce rapport est simple : il s’agit d’en demander encore plus aux personnels, sans s’attaquer aux causes de l’illettrisme et des inégalités sociales.

SUD éducation revendique un plan d’investissement massif dans l’éducation permettant de réduire drastiquement les effectifs en classe : 20 élèves maximum en élémentaire et au collège (16 en REP), retour des dispositifs plus de maîtres que de classe et des réseaux d’aide démantelés alors qu’ils ont fait la preuve de leur efficacité. SUD revendique un Rased complet par groupe scolaire et un⋅e enseignant⋅e supplémentaire pour cinq classes. Une attention particulière doit enfin être portée à l’école inclusive, qui souffre particulièrement du manque de moyens.

PDF : https://www.sudeducation.org/wp-content/uploads/2022/05/Linspection-generale-de-leducation-nationale-a-publie-un-rapport-en-mai-2022-portant-sur-la-lutte-contre-lillettrisme..pdf

Alerte RASED

Depuis leur création en 1990, les RASED sont à la croisée des chemins d’une école réellement inclusive.

Personnels de terrain intégrés aux équipes éducatives, les membres des RASED apportent leur éclairage, leurs connaissances et leurs pratiques spécifiques à l’analyse et à l’accompagnement des situations les plus difficiles : grande difficulté scolaire, mal-être infantile, comportements inadaptés ou perturbateurs, etc… Chaque jour, aux côtés des collègues, des familles, des élèves.

Sous la présidence Sarkozy, la suppression massive de postes (1/3 des effectifs) avait déjà fortement impacté le fonctionnement des réseaux.

Les fondements idéologiques qui régissent la gouvernance actuelle de l’Éducation Nationale ne font qu’aggraver davantage cette situation.

 Alors oui, quand les enseignant-e-s qui devraient être spécialisé-e-s ne sont plus formé-e-s et qu’ils-elles sont en nombre insuffisant, il est plus aisé d’affirmer que les RASED ne servent finalement à rien et qu’il vaut mieux les supprimer.

Triste manœuvre, grossière et malhonnête.

 Avec la crise que nous traversons, le discours médiatique au sein du Ministère de l’Éducation Nationale s’est orienté vers des considérations « sociales » (sic). Les élèves décrocheurs, déconnectés, en difficulté, les familles fragiles et fragilisées.

Les missions des RASED ont, de tout temps, été dédiées à l’accompagnement de ce public.

Mais depuis plusieurs années, il est de plus en plus difficile d’exercer pleinement ces missions : diminutions des moyens, détournement des fonctions, personnels en sous-effectifs, secteur d’intervention trop larges, nombre d’élèves par secteur trop important, remboursement partiel des frais de déplacement, absence de formation…

 Alors même que les RASED auraient dû voir leur nombre augmenter, au mieux il reste à effectif constant, au pire ils sont diminués.

Les suppressions de postes à la rentrée 2020 ? « Une exception » d’après notre Ministre, un chiffre négligeable pour des personnels négligés.

 Si notre Ministre peut parfois insister sur le rôle primordial des psychologues, dans la cadre de la recherche d’une « résilience », et qu’ il est heureux qu’il reconnaisse enfin l’importance de leur travail et de leurs missions spécifiques, il serait alors de bon ton de leur donner les moyens d’assurer leurs missions. Au sein des RASED, mais aussi dans le second degré où ils sont en nombre chimérique ou dans les CIO qui ont, pour la plupart, fermés…

L’intérêt de Blanquer pour les neurosciences n’est sans doute pas dénué de lien avec la tendance à la médicalisation et à l’externalisation de la prise en charge des élèves aux profils spécifiques.

Il n’est pas rare de voir des élèves, relevant de la difficulté scolaire mais n’ayant pu être accompagnés efficacement faute de moyens, « glisser » vers le champ du handicap alors même qu’ils n’auraient jamais dû en relever.

Et allons-y ensuite pour la valse des consultations et suivis en libéral, souvent non remboursés et détachés du cadre scolaire, sans prise en compte de l’enfant dans sa globalité.

Cette dérive tend à nier le travail d’adaptation des personnels spécialisés, à médicaliser, à externaliser le traitement de la difficulté scolaire.

Est-ce donc cela que notre Ministre appelle « école inclusive » ?

Une école qui ne donne pas les moyens à tous les élèves de réussir à leur rythme, qui supprime petit à petit les aides existantes et propose de les externaliser hors de l’école, qui creuse les inégalités sociales et territoriales, qui standardise et normalise les attendus par le biais d’une évaluationnite aigüe, qui abandonne les enseignant-e-s et les laisse se débrouiller seul-e-s face à des situations de plus en plus complexes et difficiles…

 A votre tour d’être « résilient » M. Blanquer et de reconnaître que votre idée de l’école est excluante !

 Les personnels exerçant en RASED ne peuvent que dénoncer le mépris de l’institution face à leurs missions et s’inquiéter des perspectives à moyen terme.

Nous ne devons pas laisser Blanquer rédiger pour les RASED la chronique d’une mort annoncée.

C’est pourquoi SUD Éducation appelle l’ensemble des personnels à se mobiliser pour la défense des RASED, dans le cadre d’un réel plan d’urgence pour l’école, en restant informé et vigilant, en déposant des motions en Conseil d’École, en communiquant auprès des familles.

Pour des créations massives de postes de RASED dans les 3 spécialités

Pour un accès renforcé à la formation initiale et continue

Pour le respect des missions spécifiques des membres des RASED

Pour une école réellement inclusive

Le RASED, pilier indispensable à une école pour toutes et tous.

Un dispositif d’adaptation à reconstruire !

Les Réseaux d’Aides Spécialisées aux Élèves en Difficulté (RASED) contribuent depuis leur création en 1990 à prévenir et à réduire les difficultés durables liées aux apprentissages à l’école que les enseignantes et enseignants ne peuvent résoudre seuls en classe.

Entre la rentrée 2007 et la rentrée 2012, les politiques visant à réduire les postes ont touché directement les dispositifs RASED qui ont perdu plus de 5000 emplois soit un tiers de leurs effectifs. Si les suppressions massives sont enrayées, la répartition des postes reste très inégale sur le territoire et ils n’ont été que très peu ré-abondés. Malgré une nouvelle circulaire 2014 qui réaffirme les missions spécifiques des trois professions du RASED, il n’y a toujours pas de relance du dispositif. Une réorientation voire un détournement de ses missions vers du simple conseil aux enseignant·e·s pour le traitement de la difficulté scolaire, n’est pas acceptable.

Ces évolutions fragilisent le dispositif notamment dans ses missions de prévention, passées aux oubliettes, et de remédiation en réduisant les réponses apportées aux élèves. Elles mettent à mal la co-construction de réponses adaptées et complémentaires au sein de l’équipe enseignante, le nécessaire lien avec les familles et le travail partenarial avec les acteurs du médico-social. Dans un contexte de standardisation dictée par les évaluations nationales, l’approche de la difficulté scolaire n’est vue qu’à l’aune des neurosciences et de ses protocoles. Aux situations inévitablement complexes de l’enfant en « mal d’école », le ministère répond systématisation des apprentissages et recherche d’un diagnostic médical pour justifier l’écart à la norme.

La prise en compte de la difficulté scolaire ou encore la mise en place d’une école qui pense la réussite de toutes et tous, ne doivent pas être seulement des slogans : il est donc plus que temps de réaffirmer et de revendiquer pour les RASED les moyens nécessaires à l’accompagnement des enseignant·es et des élèves qui ont le plus besoin d’école.

Sommaire
1 Edito
2 Une répartition inégale
3 Le RASED, Kesako ?
4 Des missions réaffirmées et revendiquées

Lettre ouverte du Collectif RASED au Ministre de l’Éducation nationale

Monsieur le Ministre, 

Depuis maintenant trois semaines, les personnels de l’Éducation nationale mettent toute leur énergie, leur créativité, et leur professionnalisme à maintenir et préserver les liens entre les familles et l’école, afin que les élèves puissent bénéficier d’une continuité dans leurs apprentissages.
Certains enfants resteront profondément marqués par la traversée de cette période difficile.
Nous serons aux côtés des équipes et des enseignants afin d’apporter nos compétences spécifiques et complémentaires pour accompagner, écouter et aider les élèves lorsqu’ils reprendront le chemin de l’école. 

Dans votre message vidéo du 29 mars 2020 adressé aux enseignants et aux enseignantes, vous insistez sur l’importance de la bienveillance et de la résilience. Vous souhaitez que nous fassions en sorte que toutes les relations se fortifient. 

Nous ne pouvons qu’approuver vos propos qui disent l’absolue nécessité de préserver et de construire des liens de qualité entre les humains dans le cadre de l’école. 
Ceux de nos élèves qui rencontrent des difficultés, auxquels les personnels des RASED apportent déjà de l’aide, et ceux que la situation aura fragilisés auront besoin d’attention et d’accompagnement au plus près. 

Au sein des RASED, les enseignants spécialisés et les psychologues de l’Éducation nationale œuvrent dans cet objectif. Ces personnels certifiés ont été formés et continuent de construire, au fil d’une longue pratique dans le champ de la difficulté scolaire, des savoirs d’expérience, notamment dans l’écoute de l’élève, de sa famille et des enseignants. Ils contribuent, par la prise en compte de leur complexité, à la résolution des situations difficiles.

Assurer la continuité de leurs missions dans le cadre de la crise sanitaire reste leur priorité.
En ce sens, la carte scolaire 2020 doit être celle de l’augmentation des postes des personnels des RASED et des postes d’enseignants afin de répondre aux besoins éducatifs particuliers de tous les enfants.

Pourtant, au regard des dotations accordées par votre ministère, nous savons que dans de nombreux départements il est envisagé de fermer des postes. Cette perspective suscite une vive inquiétude dans le corps enseignant. Les postes RASED sont encore une fois menacés.

Aussi, Monsieur le Ministre, conformément à votre souhait, l’école doit disposer dès la rentrée 2020 des forces nécessaires à la mise en œuvre de nos missions qui garantissent aux élèves fragiles l’accompagnement indispensable à leur réussite scolaire.
Comment faire si demain les personnels des RASED, qui constituent une ressource majeure, continuent à disparaître du paysage scolaire ? 

C’est pourquoi le Collectif national RASED sollicite en urgence, auprès de vous, Monsieur le Ministre, une audience pour évoquer cette situation. 

Le Collectif national RASED, le 6 avril 2020.