Classements, angoisses et inégalités : SUD éducation dénonce la machine néo-libérale Parcoursup

La plateforme Parcoursup a été mise en place à l’automne 2017 (à marche forcée, et avant même que la loi Orientation et Réussite des Étudiants ne soit votée en mars 2018). Depuis, chaque année, l’ouverture de la phase de propositions aux plus de 800 000 candidat·es va de pair avec de nombreuses critiques de cette plateforme d’affectation dans l’enseignement supérieur français.

SUD éducation porte depuis 2017 la critique de Parcoursup et du principe de fonctionnement de la plateforme :

– en amont de la phase de proposition, ce système représente beaucoup de travail pour les candidat·es (pour chaque formation demandée, il faut rédiger un « projet motivé ») et pour les enseignant·es du secondaire qui aident à la construction des voeux ;

– les vœux des candidat·es sont soumis à une validation via la fiche Avenir : le contrôle sur les décisions d’orientation est ainsi renforcé, et donc, mécaniquement, les processus d’auto-censure de la part des candidat·es ;

– avec Parcoursup, l’ensemble des formations post-bac fonctionne désormais sur le système d’admission des secteurs sélectifs du supérieur (classes prépa, sections techniciens supérieur, écoles) : il s’agit d’une généralisation de la sélection sur dossier pour l’entrée dans le supérieur, alors qu’avant 2018 les formations universitaires « non sélectives » ne pouvaient trier et classer les bachelier·es ;

– cette sélection généralisée est très difficile à comprendre car les critères de sélection varient selon chaque formation ;

– Parcoursup est un système de listes d’attente national sur plusieurs mois, alors que le système antérieur, Admission Post-Bac, fonctionnait en trois phases synchronisées grâce à une hiérarchisation des voeux par les candidat·es (l’idée était de leur proposer le voeu le plus haut placé dans leur liste) ;

– ce système de listes d’attente fait que les candidat·es les mieux doté·es scolairement, donc en général socialement, se retrouvent les premier-es avec des propositions, et, souvent, en situation de choisir parmi plusieurs propositions, alors que les candidat·es avec de moins bonnes notes doivent attendre plusieurs semaines et reçoivent moins de propositions d’affectation.

A ces problèmes liés au fonctionnement de Parcoursup s’ajoute une variable conjoncturelle : la démographie étudiante. Entre 2015 et 2020, le nombre d’étudiant·es nouvellement inscrit·es à l’université (qui accueille la majorité des entrées dans les études supérieures) a fortement augmenté avec près de 29 000 (+9,7 %), et 97 500 pour l’ensemble des inscrit·es (+6,3%). Cela résulte de plusieurs éléments, dont une augmentation des naissances dans les années 2000 (que l’on pouvait donc largement anticiper). Au lieu d’ouvrir les capacités d’accueil correspondant à ce phénomène sociodémographique (comme cela a été fait dans les années 1960 et 1990 en France), la solution pour gérer la pénurie de places a été… Parcoursup ! Avec ce système, les candidat·es pensent que leur classement (très souvent sur liste d’attente) tient à leur niveau scolaire, alors qu’il reflète surtout les difficultés des formations à accueillir les étudiant·es dans de bonnes conditions. De plus, avec la fin de la hiérarchisation des voeux, il est impossible de dire aujourd’hui combien de candidat-es voulaient s’inscrire dans telle ou telle filière depuis 2017, donc de prévoir les capacités d’accueil en conséquence. Comme partout en Macronie : que les « meilleur·es » (qui sont aussi les plus favorisé·es économiquement et culturellement) gagnent et fassent les études qu’ielles souhaitent !

Parcoursup est un système de tri selon le niveau scolaire (et donc social). Mais son fonctionnement (CV, listes d’attente, saturation des formations) le rapproche étonnamment de Pôle Emploi : candidatez à des offres, puis attendez un retour (souvent un refus) et finissez par vous contenter d’une place qui ne vous convient pas mais que vous « méritez ». Il s’agit en fait d’habituer la jeunesse à une société de sélection sociale et de méritocratie, mais aussi à l’idée néolibérale que dès les études, chacune et chacun doit être un entrepreneur de soi, en capacité de « se vendre » par la mise en valeur ses « compétences » et « savoirs-être ». Combiné au Bac Blanquer organisé en contrôle continu dès la classe de 1ère, le dispositif Parcoursup engendre une situation pathogène pour de nombreux·ses jeunes et pervertit leur rapport aux études: il ne s’agit plus d’apprendre, y compris en ayant droit à l’erreur, mais de valoriser son dossier en vue du marché concurrentiel de l’enseignement supérieur.

Pour une université publique, ouverte à toutes et tous, SUD éducation revendique:

  • La gratuité de l’enseignement supérieur pour toutes et tous, sans condition de nationalité (abrogation de la plateforme Bienvenue en France)
  • La fin de la sélection via Parcoursup et la future plateforme Trouver mon Master. Tout bachelier.ère doit pouvoir s’inscrire dans l’université ou la filière de son choix.
  • Pour cela, il faut une augmentation des capacités d’accueil qui ne peut passer que par l’embauche de plus de 50 000 personnels administratifs et enseignants titulaires dans les prochaines années. Il faudrait près de 30 000 personnels enseignant-es temps pleins dès à présent pour compenser les heures complémentaires.
  • La construction/rénovation de 10 universités et la réquisition immédiate de locaux vides pour permettre des conditions d’études et de travail décentes.

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Vœux parcoursup : Blanquer favorise le privé

Les commissions commencent à se réunir pour classer les candidat-e-s aux formations dans le supérieur. Parmi les critères se trouvent toujours la mention du lycée d’origine, et les activités extrascolaires qui conduisent à opérer un tri social entre les candidat-e-s aux formations. Les élèves des lycées prestigieux en sortent en effet naturellement favorisé-e-s.

À ces éléments de mise en concurrence entre lycées organisés par les réformes Blanquer vient aussi s’ajouter, en cette période de crise sanitaire, la mention des “choix pédagogiques de l’établissement”. En utilisant cet intitulé, les établissements peuvent indiquer qu’ils n’ont pas ou très peu respecté la règle des demi-jauges obtenue par les personnels à la faveur d’une grève massive en novembre dernier.

Ainsi, un certain nombre d’établissements se félicite d’avoir fait passer la santé du plus grand nombre derrière l’image de marque de leur établissement.

C’est particulièrement le cas chez les établissements du secteur privé, qui ont échappé à tout cadrage strict qui aurait dû être imposé par le ministère de l’Éducation nationale.

Depuis plusieurs mois, SUD éducation revendique l’application d’un cadrage strict au plan national pour tous les établissements, dans l’intérêt de la santé des personnels et des familles comme de l’équité au regard du traitement des élèves.

Jean-Michel Blanquer a fait le choix de renvoyer le plus possible les décisions au local : ce choix a pour conséquence une inégalité de traitement à craindre pour les lycéens et lycéennes.

SUD revendique la suppression sans délai des mentions d’établissement d’origine, activités extra-scolaires, et de choix pédagogique des établissements dans parcoursup, et que ces critères soient écartés des algorithmes mis en œuvre par les établissements du supérieur. SUD revendique plus généralement la fin du système parcoursup, qui n’est autre qu’un dispositif de tri social accroissant les inégalités.

Parcoursup 2020 : l’intensification du tri scolaire et social

vec un taux de réussite au bac proche des 96% et un nombre de places dans le supérieur qui stagne, l’équation s’annonce compliquée à la rentrée. Alors que les lycéen-ne-s de terminale ont déjà vécu une fin d’année difficile, la sélection de Parcoursup qui se termine ce vendredi 17 juillet est une source d’angoisse supplémentaire.

Frédérique Vidal annonce que seul-e-s 9 500 lycéen-ne-s se trouvent sans affectation dans le supérieur alors que selon les chiffres publiés sur le site de Parcoursup lui-même, 727 615 des 857 216 candidat-e-s (≃ 84%) ont obtenu une proposition d’admission. A l’heure actuelle, plus de 90 000 personnes attendent encore une place en première année d’enseignement supérieur contre 58 000 l’année dernière. Derrière ces chiffres se cache un écart croissant entre d’une part les vœux des lycéen-ne-s et des candidat-e-s en réorientation, et d’autre part les capacités d’accueil dans certaines formations, saturées depuis plusieurs années. On compte 50 000 bachelier-e-s de plus cette année par rapport à la rentrée dernière, soit l’équivalent de deux universités moyennes françaises.

Dans les universités, les directions préparent en ce moment des rentrées « hybrides », entre cours en présence et à distance, ainsi que différents modèles en fonction de la situation sanitaire. Avec des amphis qui ne pourront accueillir que 25% des étudiant-e-s par endroit, la rentrée sera très compliquée.

Ce que ne dit pas la ministre, c’est que pour affronter cette rentrée encore plus tendue que les précédentes, l’Université a besoin de moyens financiers et humains : création de places, embauche massive d’enseignant-e-s et de personnels administratifs et techniques pour dédoubler les TD/TP et faire face aux effectifs croissants, récupérer des mètres carrés, mettre en place des moyens informatiques pour les étudiant-e-s et les enseignant-e-s si les cours ne peuvent se dérouler en présence…

Cela fait des années que l’enseignement supérieur français fonctionne au bord de la rupture et ce ne sont pas quelques 3 000 places en plus en BTS ou 1 000 en apprentissage qui amortiront la hausse des effectifs dans le supérieur cette année. L’ambition du gouvernement, selon la ministre, est de trouver une place (pas forcément dans la formation visée en priorité) pour chaque lycéen-ne-s à la rentrée, comme l’y contraint le code de l’éducation. Quid des nombreux-ses candidat-e-s en réorientation ?

Le projet de loi LPPR, qui organise la dégradation du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, semble pourtant constituer la priorité du ministère. Elle est pourtant refusée par la très grande majorité des personnels et usager-e-s du supérieur, ce qu’a mis en évidence l’intense mobilisation du semestre dernier. Cette LPPR sera présentée dès la semaine prochaine en conseil des ministres, en promettant à la recherche 25Mds sur 10 ans alors que l’ESR a besoin dès cette rentrée d’un plan d’investissement massif, de recrutement de personnels enseignants et administratifs et de résorption de la précarité étudiante, dramatiquement mise en évidence par le confinement.

Plus que jamais SUD éducation refuse la sélection à l’Université et revendique la création de places pour permettre l’accès de chaque candidat-e à la filière de son choix et un accès à un enseignement supérieur émancipateur, laïc, gratuit et ouvert à toutes et tous.

Parcoursup et coronavirus : la machine à tri ne connaît pas d’arrêt !

Alors que l’ensemble de la population est confrontée à une crise sanitaire d’une ampleur inédite qui nécessite une mise à l’arrêt de quantités d’activités, le Ministère ne semble pas décidé à arrêter la machine à tri social qu’est Parcoursup. Les conseils de classe se déroulent sur tout le territoire, y compris sous des formes non réglementaires (absence des délégués élèves et parents) et la plateforme Parcoursup n’est pas mise en suspens. SUD éducation n’a cessé de dénoncer l’existence de cette plateforme qui ne fait qu’accentuer le tri social – ce que confirme même la cour des comptes ! – et la dénonce d’autant plus que cette machine opaque s’exerce avec encore moins de contrôle.

Cette non suspension aggrave encore les inégalités : les candidat.e.s, qui ont déjà entré leurs vœux, ont cependant jusqu’au 2 avril pour les confirmer et compléter leurs dossiers de candidature. Cette opération très lourde renforce encore les inégalités : quelle aide peut leur être apportée pour cette tâche par des enseignant-e-s déjà débordé-e-s par le maintien du lien à distance avec les élèves ? Comment pallier aux inégalités d’accès au numérique qui se révèlent crûment ? Nombre d’élèves comptaient réaliser ces dossiers dans l’établissement, en utilisant ses équipements numériques, que certain-e-s n’ont pas chez elles-eux.

Cette obstination à vouloir à tout prix maintenir les remontées pour le 2 avril est d’autant plus absurde que les établissements du supérieur ne peuvent trier les dossiers en ces temps de confinement. Les enseignant-e-s du supérieur consacrent déjà davantage de leur temps à leurs enseignements que d’habitude du fait de la charge de travail à distance : vont-ils/elles en plus éplucher les milliers de dossiers Parcoursup et délibérer à distance ? Ce problème se pose d’autant plus que de nombreuses universités se demandent déjà comment délibérer pour valider le premier semestre de leurs propres étudiant-e-s en raison du report de certains partiels.

SUD éducation dénonce cette situation ubuesque et revendique la seule solution qui s’impose en cette période et après : pas de sélection !

SUD éducation revendique :

  • plus que jamais l’abrogation de Parcoursup
  • un plan massif d’investissement dans l’enseignement supérieur, avec la création de postes d’enseignant-e-s à hauteur des besoins, via le recrutement de personnel titulaire
  • la création de places pour permettre à chaque étudiant-e de s’inscrire dans la filière de son choix