En décembre 2023, Gabriel Attal avait annoncé des mesures Choc des savoirs, directement inspirées du programme de l’extrême droite : groupes de niveau, accès au lycée conditionné à l’obtention du brevet, fin des correctifs académiques, généralisation des évaluations nationales… SUD éducation avait décrypté pour vous les annonces.
Depuis, ont été annoncées de maigres créations de poste dans le 2nd degré, néanmoins celles-ci sont insuffisantes pour compenser les près de 8000 suppressions de poste qui ont eu lieu dans le 2nd degré depuis 2017. Dans le 1er degré, on compte toujours 650 postes supprimés à la rentrée 2024 alors même que les remplaçant·es manquent dans les écoles.
Une réforme précipitée
Les personnels commencent à préparer la rentrée 2024, néanmoins aucun texte réglementaire n’est encore sorti pour cadrer la réorganisation des enseignements en collège. Le ministère a choisi d’imposer sa réforme dans la plus grande précipitation puisque la réorganisation du collège sera présentée pour avis, sans véritable concertation, au Conseil supérieur de l’Éducation le 31 janvier 2024.
Que prévoit le ministère pour les collèges ?
Les textes concernant les groupes de niveau sur l’ensemble du volume horaire disciplinaire de maths et de français en 6e et en 5e ont vocation à s’appliquer à la rentrée 2024 pour être généralisée en 4e et 3e à la rentrée 2025.
Les textes concernant le redoublement devaient s’appliquer à la rentrée 2024.
Les textes concernant la réforme du DNB (rendu obligatoire pour accéder au lycée, part plus importante de l’examen terminal, fin des correctifs académiques) ont vocation à s’appliquer pour la session 2025.
Les groupes de niveau : tri social et désorganisation des collèges
Avec les groupes de niveau sur l’ensemble des cours de maths et de français en 6e et 5e à la rentrée 2024 puis aussi en 4e et 3 à partir de la rentrée 2025, le ministère reprend une des composantes les plus néfastes de la réforme du lycée : la casse des groupes classes.
Les groupes de niveau trient et fragilisent les élèves, mais ils désorganisent aussi les collèges et vont aggraver les conditions de travail de l’ensemble des personnels !
Combien de groupes de niveau dans mon collège ?
Le ministère compte laisser toute autonomie aux collèges pour déterminer le nombre de groupes à constituer et le nombre d’élèves par groupe en fonction des moyens disponibles : il n’y aura aucun cadrage réglementaire. Les dotations supplémentaires sont trop faibles pour constituer des groupes d’élèves à effectifs réduits pour les élèves les plus en difficulté. Il est fort possible que, pour créer des groupes plus réduits pour les élèves en grande difficulté, le nombre d’élèves dans les autres groupes explose. On peut aussi prévoir la fin de l’AP (Accompagnement Personnalisé) et l’aspiration des moyens des options pour financer ces groupes de niveau.
À nouveau, le ministère impose une réforme inapplicable et fait reposer sur les personnels la responsabilité de son application dans un contexte de pénurie de moyens.
SUD éducation appelle les personnels à refuser collectivement le tri des élèves dans les groupes de niveau. SUD éducation met à la disposition des équipes un exemple de motion à adapter et à faire voter en Conseil d’Administration et à transmettre aux DSDEN.
Comment les élèves seront réparti·es dans les groupes ?
La répartition des élèves dans les groupes de niveau en 6e se fera sur la base des échanges entre les enseignant·es de CM2 et les enseignant·es de 6e. Ensuite ce sera la responsabilité des enseignant·es de français et de mathématiques en fonction des évolutions des élèves.
SUD éducation a posé au ministère la question du temps de concertation prévue pour coordonner les groupes de niveau néanmoins le ministère n’a aucune réponse à apporter.
Quelles conséquences sur les emplois du temps ?
La mise en barrette de l’heure d’approfondissement/soutien sur plusieurs classes de 6e d’un même collège a dégradé les emplois du temps des élèves et des personnels. Pourtant, le ministère va plus loin avec les groupes de niveau qui nécessitent la mise en barrette des heures de français et de mathématiques (plus d’un tiers du temps scolaire) en 6e et en 5e puis, à partir de la rentrée 2025, également en 4e et en 3e. On peut craindre une aggravation de nos conditions de travail avec des emplois du temps dégradés.
Pourrais-je encore être professeur·e principal·e ?
L’inquiétude est grande chez les enseignant·es de français et de mathématiques qui n’auront plus de classe en charge mais seulement des groupes de niveau et des élèves différents au cours de l’année. Comment, dans ces conditions, être professeur·e principal·e ?
Interrogé à ce sujet par SUD éducation, le ministère a répondu que la charge de professeur·e principal·e pourra reposer sur d’autres enseignant·es mais aussi qu’il est possible en échangeant avec ses collègues d’être professeur·e principal·e pour des élèves que l’on n’a pas en classe.
Après les groupes de niveau, que programme le ministère ?
Les groupes de niveau ne sont que la première étape d’une réforme de tri social de plus grande ampleur. Le ministère veut faire du collège un dispositif d’évaluation et de tri des élèves. Il prévoit la généralisation des évaluations nationales, largement décriées par les personnels, et la transformation du brevet destiné à devenir un examen d’entrée au lycée.
Une classe de prépa-lycée sera ouverte dans chaque département à titre expérimental à la rentrée 2024 pour une généralisation à la rentrée 2025. Ces classes prépa-lycée devraient accueillir au sein des lycées les élèves qui n’ont pas obtenu le brevet afin de leur permettre de rejoindre une classe de seconde à la rentrée suivante. Pour SUD éducation, il s’agit d’un dispositif cosmétique destiné à cacher la sélection que le ministère met en place à l’entrée du lycée. Les élèves les plus en difficultés se verront imposer une année de scolarité supplémentaire dans un cadre réglementaire flou au sein de classes de relégation.
Plutôt que d’externaliser la difficulté scolaire, le ministère doit mettre en œuvre des mesures de prévention (baisse du nombre d’élèves par classe, développement des RASED, meilleur accompagnement médico-social, moyens AESH…)
Avec sa réforme, le ministère ne propose rien aux élèves les plus en difficultés, il les sanctionne par des mesures stigmatisantes et excluantes. SUD éducation revendique au contraire un plan d’urgence pour l’éducation dont la première mesure doit être une baisse du nombre d’élèves par classe.
Comment se mobiliser contre la réforme du collège ?
Après les EPI, l’AP, le ministère impose une nouvelle réforme du collège qui va désorganiser les enseignements et aggraver les conditions de travail des personnels. Les personnels vont être sollicités pour mettre en œuvre cette réforme sans moyens et néfastes pour les élèves.
SUD éducation appelle à :
- se réunir en AG, HMI… pour informer les collègues sur les dangers de la réforme,
- refuser collectivement de trier les élèves dans les groupes de niveau,
· adopter des motions en conseil d’enseignement, en CA, en AG… contre la réforme du collège,
- se mettre en grève le 1er février pour marquer l’opposition à la réforme.
Proposition de motion pour les CA, Conseils d’enseignement, AG et HMI
Nous refusons de trier les élèves !
Nous, personnels du collège ………………………………………… refusons collectivement la réforme du collège imposée dans la plus grande précipitation et sans concertation par le ministère de l’Education nationale. Plutôt que de donner davantage de moyens pour la scolarité des élèves les plus fragiles, le ministère fait le choix de mesures qui sanctionnent, qui sélectionnent et qui trient ces élèves. La politique éducative du ministère répond aux pressions de la droite libérale et réactionnaire et de l’extrême droite en reprenant leurs propositions.
L’hétérogénéité des classes est l’instrument de l’élévation du niveau moyen. Pour mettre en oeuvre ce projet de démocratisation scolaire, il faut donner les moyens nécessaires, or on constate la suppression de 8000 postes dans le second degré depuis 2017 ainsi qu’un abandon complet de l’éducation prioritaire.
La ministre exige des personnels qu’ils trient les élèves dans des groupes de niveaux en français et en mathématiques en 6e et 5e à la rentrée 2024 ainsi qu’en 4e et 3e à la rentrée 2025. Au contraire, la recherche a montré que l’enseignement en groupes de niveaux a des effets délétères sur le niveau moyen des élèves et ne profite qu’aux élèves qui sont déjà les plus performant·es. L’organisation en groupes de niveaux va casser les dynamiques d’apprentissage des classes, fragiliser les élèves et désorganiser les collèges. C’est aussi une casse en profondeur de nos métiers puisque les enseignant·es de français et de mathématiques n’auront plus de classe en charge mais des groupes de niveau qui pourront évoluer au cours de l’année.
Nous refusons de trier les élèves dans des groupes de niveau et de mettre en place cette réforme injuste.
Nous exigeons le retrait de la réforme Choc des savoirs et la mise en oeuvre d’un vrai plan d’urgence pour l’éducation avec :
- la baisse du nombre d’élèves par classe,
- l’augmentations des salaires,
- la création d’un vrai statut pour les AESH,
- le recrutement massif de personnels de vie scolaire et médico-sociaux.