Le Ministre Pap Ndiaye avait promis de s’attaquer aux inégalités sociales grâce à un grand plan pour la mixité sociale. En effet, l’école française est pointée du doigt par les classements internationaux qui soulignent son caractère profondément inégalitaire : la France est, avec le Luxembourg et Israël, l’un des pays de l’OCDE où l’origine socio-économique des élèves est la plus déterminante dans les résultats scolaires. La publication des Indices de Positionnement Sociaux (IPS) en octobre 2022 a montré que l’enseignement privé est en partie responsable de cette ségrégation sociale : les établissement de REP+ accueillent un public homogène aux IPS bas et les établissements privés acceuillent un public homogène aux IPS élevés puisqu’ils scolarisent 40% des élèves favorisés. Les collèges publics non classés accueillent des élèves aux profils plus hétérogènes. Or plutôt que d’attribuer de vrais moyens, à hauteur des besoins, à l’éducation prioritaire, pour empêcher la fuite des meilleurs élèves vers le privé, le Ministre entend déployer une politique en faveur de l’enseignement privé. Financé à 73% par l’argent public, l’enseignement privé accueille déjà 1 élève sur 5 et consomme 10,5% du budget de l’éducation en 2022, son budget a augmenté de 3,21% en 2022, davantage que le budget du public.
L’éducation prioritaire, oubliée dans les annonces !
Les annonces sont très décevantes. Alors que les personnels dénoncent le manque criant de moyens en éducation prioritaire et revendique le retour des lycées dans le classement, le Ministre se contente d’énoncer l’objectif de réduction des différences de recrutement social entre établissements publics de 20% d’ici la fin du quinquennat. Pour cela, il prévoit l’implantation de filières dites d’excellence (classes bilangues, sections internationales, classes à horaires aménagées) dans les établissements d’éducation prioritaire. Néanmoins, le Ministre ne dit rien du financement de ses filières : depuis la réforme du collège, les établissements prennent sur leur marge pour financer les options ou les dispositifs bilangues au détriment de l’enseignement en effectifs réduits. Le Ministre choisit de favoriser les dispositifs à destination des meilleurs élèves pour empêcher l’évitement scolaire mais il n’envisage pas de mesures d’amélioration des conditions d’étude pour tou·tes en éducation prioritaire en baissant le nombre d’élèves par classe par exemple.
Le Ministre entend ensuite créer une nouvelle instance de dialogue et de pilotage de la mixité sociale et scolaire qui réunira l’administration et les collectivités territoriales. On peine à comprendre en quoi cette nouvelle instance aura des compétences différentes des instances existantes tel que les Comités Départementaux de l’Éducation nationale qui examinent entre autres la sectorisation. Le Ministre s’appuie sur l’exemple de la refonte de la sectorisation de la Haute-Garonne en 2019 pour promouvoir sa politique de sectorisation à travers la création de binômes de collège peu éloignés géographiquement mais socialement éloignés pour permettre une affectation sur l’un ou l’autre des collèges. Or SUD éducation a fait un bilan négatif de l’expérimentation de la Haute-Garonne qui a eu pour effet le déplacement des élèves des quartiers populaires, la fermeture de collèges REP et l’ouverture de collèges non classés, aux moyens insuffisants.
Une mixité sociale au service de l’enseignement privé !
La suite des annonces concerne l’enseignement privé et la signature d’un protocole avec le Secrétariat général de l’enseignement catholique qui vise à augmenter le nombre d’élèves issus de milieux défavorisés dans le privé. Pour atteindre cet objectif l’enseignement catholique a pris l’engagement d’augmenter de 50% d’ici 5 ans le nombre d’établissements proposant des tarifs adaptés aux revenus des familles défavorisées pour multiplier par deux le nombre d’élèves boursiers. Ainsi le Ministre Pap Ndiaye organise la fuite des meilleurs élèves de l’éducation prioritaire vers le privé.
Pour atteindre son objectif de démantèlement de l’école publique, le Ministre a annoncé six mesures : la publicité par l’Éducation nationale des tarifs du privé, l’augmentation de la part d’élèves à besoins particuliers dans le privé, l’implantation du privé dans les quartiers socialement mixtes, une communication renforcée entre les académies et le privé et enfin un encouragement des collectivités territoriales à attribuer les mêmes aides sociales (cantine, transports…) aux élèves du privé qu’à ceux du public et à financer les travaux de rénovation énergétique des bâtiments scolaires du privé.
Ces annonces sont particulièrement inquiétantes dans le contexte de sous-financement de l’école publique. Dans la continuité de Blanquer et de sa loi pour “l’école de la confiance” qui avait permis un transfert d’argent public vers le privé avec la scolarisation obligatoire dès 3 ans, Ndiaye met en oeuvre une politique éducative au profit de l’enseignement privé.
L’Éducation nationale organise et finance la ségrégation scolaire en maintenant un dualisme scolaire. Lorsqu’un collège favorisé est situé près d’un établissement défavorisé, dans 85% des cas c’est un établissement privé. Ainsi la présence de l’établissement privé nuit à la mixité sociale.
SUD éducation réaffirme son opposition ferme et entière au financement de l’enseignement privé par l’argent public.
Pour venir à bout de l’évitement scolaire, SUD éducation revendique :
- des moyens aux écoles et collèges de l’éducation prioritaire et réintroduire les lycées dans l’éducation prioritaire,
- la nationalisation des établissements privés.