Bac 2021 : chaos, inégalités, dévalorisation du diplôme

Dès l’été 2020 l’ensemble des acteurs de l’éducation nationale ont alerté le ministère sur l’impossibilité d’assurer la bonne tenue de la session du baccalauréat 2021, que ce soit les organisations syndicales d’enseignants et des personnels de direction, les associations de parents d’élèves ou même les associations de professeurs spécialistes. A l’automne, à défaut de reprendre cette contre-reforme dans la concertation, les associations de professeurs spécialistes ont demandé de différer d’un an son application. Rien n’y a fait. Jean-Michel Blanquer s’est obstiné à la mettre en œuvre. Il porte l’entière responsabilité du chaos organisationnel et de la dévalorisation du baccalauréat 2021, sensé être le premier grade universitaire.

Grand oral : une épreuve de tri social

Cette épreuve est conçue comme une épreuve de rhétorique. Aucune heure n’est allouée pour y  préparer les élèves. Sur les cinq critères d’évaluation de l’épreuve, seul un critère évalue la maîtrise des contenus de la discipline de la spécialité traitée dans le sujet. Cette épreuve n’évalue pas des choses qui s’apprennent au lycée. Elle n’évalue que l’aisance et la légitimité de l’élève à s’exprimer reproduisant ainsi les inégalités de classe et de genre.

Correction numérique des copies de Philosophie et de Français : dégradation des conditions de travail, surveillance des correcteurs-trices et désastre écologique

Pour les correctrices et les correcteurs, il s’agit clairement d’une dégradation des conditions de travail. Avec des lots de 120 à 140 copies à corriger en l’espace de huit à neuf jours, les collègues doivent passer plusieurs heures par jour devant leurs écrans, provoquant une fatigue oculaire importante, des céphalées et la détérioration de la qualité du sommeil. Par ailleurs, la correction de copies numérisées rend impossible le classement des copies afin de les comparer et d’ajuster les notes. Enfin les collègues pourraient être dépossédé-e-s des notes puisqu’ils et elles ne feront plus nécessairement partie du jury qui entérinera ou modifiera la note attribuée.

Pour le Ministère, le choix du numérique permet un saut dans la logique managériale de surveillance des professeur-e-s. Le recueil des données statistiques sur le travail de correction pourra permettre des réorganisations des corrections, d’intensifier la productivité des collègues, par la surveillance de l’avancement des corrections de copies par les rectorats, voire de redistribution de lots de copies de collègues jugé-e-s “inactifs et inactives”.

Un tel système numérique de correction a un coût plus important que le système traditionnel : coût budgétaire, mais aussi coût écologique avec le stockage de données massives et l’utilisation des ordinateurs par les correcteurs, les correctrices et les élèves qui consulteront leurs copies. La numérisation, et surtout l’archivage en ligne des copies nécessite la production constante d’une quantité importante d’électricité, sans compter la construction polluante du matériel utilisé massivement. C’est aussi un nouveau marché ouvert aux entreprises du numérique.

Sous-jury d’harmonisation : une harmonisation qui assigne les élèves à leurs établissements

Mardi 29 juin, les collègues ont découvert leur mission : comparer les notes de contrôle continu attribuées cette année avec les moyennes des résultats aux baccalauréat 2018 et 2019. Après quoi, la règle était simple : modifier les notes, à la hausse ou à la baisse, jusqu’à faire correspondre les deux moyennes au point près.

Et il ne s’agit pas des moyennes générales académiques, mais bien des notes données dans chaque lycée, matière par matière, reproduisant ainsi sur les candidat-e-s les inégalités de notes des établissements d’origine. C’est un mépris du travail fourni par les élèves et les enseignant-e-s durant l’année scolaire. Cette méthode produit aussi un biais puisque les matières enseignées en terminale de l’année scolaire 2020 – 2021 ne correspondent pas à celles enseignées et en terminales des années scolaires 2018 – 2019 et 2019 – 2020 : certaines matières comme les SES et les mathématiques ont changé de contenu et d’autres n’existaient pas avant comme l’enseignement scientifique, le numérique et science informatique (NSI), l’histoire géographie, géopolitique et sciences politiques (HGGSP), la littérature et philosophie (LP) ou les mathématiques complémentaires.

Un chaos organisationnel inadmissible

Les problèmes ont commencé avec les convocations. Certaines convocations n’indiquaient pas l’adresse de l’établissement, d’autres ont été envoyées pendant le week-end pour le lundi 8 heures. Des professeurs d’arts plastiques de collège ont été convoqués pour le grand oral quand d’autres collègues ont été convoqués à 2 heures de transport de chez eux.
La session 2021 du bac a eu son lot de bugs informatiques. Dans les académies d’Île-de-France, le serveur Imag’In était en panne mardi 29 juin de 7h à 11h30 pour les sous-jurys d’harmonisation. Dans certains centres d’examens, les collègues ont été invité-e-s à rentrer chez eux et chez elles à 10 heures, dans d’autres, ils ont dû rester sur place pour commencer les délibérations à 14 heures. Certain-e-s collègues ont été reconvoqué-e-s mardi pendant la soirée pour vendredi 2 juillet. Une anecdote à Champigny, il manque la vice présidente du jury, une collègue de Nogent, impossible à joindre. Et puis arrive avec une demi-heure de retard un collègue de Cergy, 2h de route avec les bouchons, il s’excuse. « Mais …, on n’attendait pas une collègue de Nogent ? » En fait, il avait le même nom de famille que la collègue. Pas le même prénom. Et en plus, comme le serveur ne fonctionnait pas, il est venu strictement pour rien. Il rentre chez lui. Il n’est pas revenu l’après midi mais a fait l’harmonisation au téléphone, avec le haut parleur.

Aveu d’échec du ministre et dévalorisation du diplôme

SUD éducation n’incrimine en aucun cas les personnels des services des examens et des secrétariats des centres d’examens qui ont subi la pandémie, les diminutions d’effectifs et les non remplacements. La responsabilité de ce chaos incombe entièrement au ministre, Jean-Michel Blanquer qui s’est obstiné à faire passer de force sa réforme du baccalauréat contre toutes mises en garde qui lui étaient adressées et contre la désorganisation induite par la pandémie. Aux journalistes de Médiapart qui lui demandaient des explications sur ces dysfonctionnements la semaine dernière, il a reconnu 1 % de problèmes. Cette réponse est indigne. Elle suppose qu’il est admissible que des erreurs interviennent lors de la passation d’un diplôme national, premier grade de l’université. Cette réponse montre le peu de considération du ministre vis à-vis des élèves, des personnels et du service public d’éducation.

SUD éducation dénonce les conditions scandaleuses de cette session du baccalauréat et rappelle la responsabilité totale de Jean-Michel Blanquer dans les problèmes intervenus. Il devrait en tirer les conséquences s’il avait un peu de dignité.

SUD éducation revendique :

  • la suppression du grand oral ;
  • l’abrogation des réformes ORE, des lycées et du baccalauréat.