Fiche pédagogique : Quelles pédagogies ?

Une autre école, une autre société… Par ce slogan, SUD éducation revendique un lien entre divers pratiques pédagogiques et les luttes sociales : de l’autogestion des luttes à celles des élèves.

De nombreux courants, pratiques et groupes pédagogiques existent, communiquent, ou se distinguent. La plupart des collègues s’inspirent de différents courants, différentes écoles. Voici quelques éléments pour pouvoir distinguer ces pédagogies, leurs évolutions et leur utilisation et leur lien avec le syndicalisme de SUD éducation.

« Tous capables » : l’éducation nouvelle et le GFEN

L’Éducation Nouvelle prépare chez l’enfant, non seulement le futur citoyen capable de remplir ses devoirs envers ses proches et l’humanité dans son ensemble, mais aussi l’être humain conscient de sa dignité d’homme.
— Principe de la Ligue Internationale d’Éducation Nouvelle, 1921

Développée en France par le GFEN (Groupe Français d’Éducation nouvelle), l’éducation nouvelle se développe dans l’entre-deux guerres au sein de la Ligue Internationale d’Éducation Nouvelle. Son but était de lutter contre les effets néfastes de la guerre et de faire des enfants de véritables citoyens, critique et réflexif. Cependant, la Ligue, traversée par les tensions politiques de l’époque, ne se réunira plus après la seconde guerre mondiale.

Au centre de l’éducation nouvelle se trouve le concept d’auto-socio-construction qui reposent sur 4 axes.

L’apprentissage n’est pas affaire de recettes mais de stratégie. Voilà pourquoi les outils proposés par le GFEN constituent des démarches.
Le savoir ne se transmet pas, il se construit. Voilà pourquoi les démarches élaborées par le G.F.E.N. sont dites constructions de savoir.
L’acte d’apprendre est un acte singulier, individuel. On n’apprend pas à l’enfant (à l’homme) c’est lui qui apprend. Voilà pourquoi les démarches imaginées par le G.F.E.N. sont dites d’auto-construction.
L’apprentissage se conduit dans un cadre socialisé. J’apprends avec et contre les autres. Avec : la coopération. Contre : la contradiction, la confrontation.
Voilà pourquoi les démarches inventées par le G.F.E.N. sont dites d’auto-socio-construction.

Parce qu’elles sont coopératives, critiques, réflexives, les pédagogies d’éducation nouvelle sont fortement liées au syndicalisme que défend SUD éducation, un syndicalisme de lutte et de transformation sociale.

Pour aller plus loin :

L’école moderne de la pédagogie Freinet : pour un matérialisme pédagogique

Nous rejetons l’illusion d’une éducation qui se suffirait à elle-même hors des grands courants sociaux et politiques qui la conditionnent.
Charte de l’école moderne

Mouvement pédagogique international et historique, la pédagogie Freinet cherche à révolutionner la classe tout en prenant en compte la dimension sociale et politique de l’école. C’est une pédagogie du travail, basé sur des outils développés tout au long du 20e siècle par de nombreux et nombreuses collègues au sein de l’Institut Coopératif pour l’Ecole Moderne (ICEM) : texte ou dessin libre, journal scolaire, quoi de neuf, conseil coopératif, plan de travail, travail individualisé, projet, etc.

Chacune de ses techniques, pensées comme un véritable écosystème pédagogique est guidée par des « invariants pédagogiques » qui peuvent se résumer ainsi :

  • Nécessité d’élever le niveau intellectuel des travailleurs à l’aide d’expérimentations pédagogiques ;
  • Lien entre les activités scolaires et la vie des élèves ;
  • Ouverture de l’école sur le milieu social et économique ;
  • Nécessité de l’auto-organisation des élèves ;
  • Développement de l’expression de soi.

Ancrée dans l’école publique, doté d’une dimension collective forte, cette pédagogie, fortement liée à la militance politique et sociale, est pratiquée par de nombreux camarades de SUD éducation.

Pour aller plus loin :

Les fiches SUD éducation sur la pédagogie Freinet :

La pédagogie institutionnelle contre l’école caserne

La pédagogie n’est jamais neutre, je sais que ma pratique sera ce qu’elle est en fonction de choix : préparer les jeunes à occuper leur place dans la société ou les préparer à la transformer en transformant déjà le plus petit et le plus proche.
— Jacques Cornet, Noëlle de Smet

Issu d’une scission avec le mouvement Freinet, la pédagogie institutionnelle n’est pas une pédagogie de l’institution ministérielle mais une pédagogie des institutions, c’est-à-dire des règles ! Mais attention, des règles pour émanciper les élèves, non pas pour les contraindre, des règles pour l’autogestion, des règles discutées et décidées collectivement. Il faut noter que certaines règles font Loi : chacun est là pour travailler ; chacun a le droit au respect physique et moral ; l’enseignant-e est là pour tout le monde.

En s’inspirant de la psychanalyse et des sciences sociales, la pédagogie institutionnelle a développé une approche fondée sur un trépied pédagogique :

  • Les techniques et outils pédagogiques Freinet
  • L’inconscient
  • Le groupe
  • Le tout relié par le politique !

L’utilisation des techniques Freinet permet aux enseignant-es de « voir » l’inconscient de la classe, des élèves : ainsi le conseil ou le quoi de neuf est un moment fort de la PI car c’est là que vont ressortir les problématiques des élèves. Par les métiers, ou responsabilités, les élèves se voient relier au groupe, pensé comme une communauté, un véritable milieu éducatif où chacun peut apprendre des autres, grâce aux autres.

La dimension collective et autogestionnaire de la PI est fortement liée au syndicalisme que défend SUD éducation, un syndicalisme où ce sont les personnels en lutte qui décident en AG de la teneur du mouvement.

Pour aller plus loin :

Les pédagogies critiques : comprendre le monde pour le transformer

Personne n’émancipe autrui, personne ne s’émancipe seul, c’est ensemble qu’on s’émancipe.
— Paolo Freire

Les pédagogies critiques – ou radicales – sont fortement inspirées des travaux du pédagogue Paulo Freire et de travaux américains comme ceux de Bell Hooks. Développées par le pédagogue brésilien à partir d’une méthode d’alphabétisation des populations pauvres, ces pédagogies se donnent comme objectif de lutter contre les discriminations pour une justice sociale et environnementale. Ainsi, des pédagogies antisexistes ou antiracistes sont des pédagogies critiques. De ce fait, les pédagogies critiques et notre syndicalisme ont beaucoup en commun !

Ces pédagogies n’ont pas vocation à donner des outils tout faits mais plutôt à permettre un questionnement sur nos pratiques avec nos élèves. Elles se fondent donc sur des principes, qui doivent être adaptées à la réalité sociale vécue :

  • La prise en compte de l’expérience sociale des élèves
  • Le dialogue comme base de la pédagogie
  • La conscientisation des individus, c’est-à-dire la prise de conscience de l’existence de rapports sociaux inégalitaires au sein de notre société, et donc de rapports de pouvoir.
  • L’empowerment, c’est-à-dire le développement de la capacité d’agir des individus.

Même si les pédagogues critiques ne souhaitent pas créer d’outils que l’on pourrait utiliser dans toutes circonstances, différents exemples de didactique critique existent tel que le théâtre de l’opprimé-e dont le but est de mettre en scène des situations d’oppressions, d’y réfléchir et d’agir collectivement ou encore la pratique de l’enquête pour se conscientiser.

Pour aller plus loin :

Le GRDS et la transmission des savoirs

Plus que jamais la valeur émancipatrice du savoir, entendons par là d’un savoir réfléchi et critique qui ne se suffit pas de connaissances utiles, est à l’ordre du jour. Et elle l’est pour tous. Or, malgré l’urgence historique, notre école n’y fait guère droit.
— Jean-Pierre Terrail, Pour une école de l’exigence intellectuelle

Le Groupe de Recherche sur la Démocratisation Scolaire est composé d’enseignant-e-s et (surtout) de chercheurs/ses. Il ancre ses propositions pédagogiques et d’organisation de l’école dans la sociologie des inégalités scolaires. Si l’école reproduit des inégalités, c’est que des mécanismes traversent la salle de classe pour les reproduire : c’est donc l’affaire des pédagogues.

Le principal vecteur d’inégalités sociales à l’école est le fait que l’école a des implicites avec lesquels les enfants des classes populaires ne sont pas en accointances.

Ces enfants ne manquent ni d’intelligence, ni de culture pour être capable de réussir scolairement ; s’ils sont en échec, c’est que l’école ne leur donne pas toutes les clés. Ne pas comprendre ces mécanismes conduirait souvent les professeur-e-s à diminuer les exigences pour les enfants des classes populaires.

L’école doit donc « vendre la mèche » comme l’écrit Bourdieu, et rendre visible ce qui ne l’est pas. Ce constat amène le GRDS à défendre des paradigmes pédagogiques plus traditionnels, souvent adoptés par les conservateurs. Il soutient à ce titre le retour de la méthode syllabiques en lecture orchestrée par Jean-Michel Blanquer. En rupture avec l’idée que l’enfant doit construire ses savoirs, le GRDS insiste sur l’importance (démocratique) de la transmission des savoirs par l’enseignant-e.

Si le GRDS est d’un point de vue pédagogique en rupture avec les mouvements pédagogiques issus de l’éducation nouvelle (ICEM, GFEN…), sa finalité de réduire les inégalités sociales et de réelle démocratisation de l’école en fait un interlocuteur intéressant. À ce titre, le projet d’ « école commune », d’une école unique de la maternelle au lycée, est un réel projet d’une « autre école » pour une « autre société ».

Pour aller plus loin

Sur les inégalités scolaires : La construction des inégalités scolaires : au cœur des pratiques et des dispositifs d’enseignement, Jean-Yves Rochex et Jacques Crinon, Presses universitaires de Rennes, 2011, 214 pages.

Le site du GRDS où l’on trouve des analyses et quelques récits de pratiques : http://www.democratisation-scolaire.fr