Les annonces sur l’éducation prioritaire ne doivent pas faire illusion. Telle qu’elle est prévue, la limitation à 12 du nombre d’élèves en CP et CE1 des écoles REP et REP+ se ferait pour l’essentiel via des redéploiements de postes. On peut s’inquiéter des conditions de sa mise en œuvre et de ses conséquences sur des dispositifs existants, les personnels et les élèves.
Face aux bruits qui circulent, il faut d’abord rappeler que la mesure des 12 élèves par classe concernerait uniquement les CP et CE1 des REP et REP+.
Le gouvernement chiffre à 12000 les postes nécessaires pour la mettre en œuvre et son programme est clair : cela se fera pour l’essentiel par des redéploiements et non par des créations de postes. Pour commencer cette opération, il veut notamment ré‑affecter en urgence pour la rentrée de septembre 2017 une partie des remplaçant-e-s et les 5000 enseignant-e-s du dispositif « plus de maîtres que de classes » (PDMQDC). Il y a déjà un début de mobilisation contre ce processus qui reviendrait à détruire ce dispositif.1 Il vient pourtant à peine d’être étendu et le ministère devait en publier une évaluation l’an prochain.
En prétendant déplacer d’office les PDMQDC pendant l’été, ces annonces bafouent les droits des personnels en matière d’affectation. Elles remettent également en cause les répartitions des postes prévues dans les cartes scolaires et leur contrôle par les instances représentatives des personnels.
On peut également douter de la réalité de la mise en œuvre de cette mesure et de sa pérennité compte tenu des très faibles créations de postes prévues par ce gouvernement pour l’ensemble de l’éducation nationale, soit 4000 à 5000 sur 5 ans !
Cette mesure à moyens quasi constants aura un impact sur les effectifs des autres classes que le CP et le CE1 en éducation prioritaire et de toutes les classes des écoles hors éducation prioritaire. Si l’administration conserve comme seuils ou comme repères d’ouverture les moyennes des effectifs de classe par école, les effectifs des autres classes peuvent exploser.
Le gouvernement balaie le problème des locaux (qui ne sont tout simplement le plus souvent pas disponibles pour une telle mesure) en disant qu’il pourra y avoir deux classes dans une même salle… et qu’il va en parler avec les mairies !
Il parle parfois de dédoublement (ce qui dans la langue scolaire veut dire que cela se ferait sur une partie seulement des horaires). C’est sans doute cela qui sera mis en œuvre. Avec l’orientation réactionnaire du président et du ministre voulant, comme dans tout projet de droite qui se respecte, centrer le primaire sur le « lire-écrire-compter », on aura vraisemblablement, en CP et CE1 des REP et REP+, des cours de français et mathématiques en groupe réduit et le « reste » des enseignements en grand groupe.
Les confusions diverses introduites avec la réforme des rythmes ont préparé le terrain à une prise en charge de ce qui relève d’enseignements par des personnels non enseignants (moins chers et plus précaires). Macron a déjà annoncé dans son programme le recrutement de personnels en service civique, notamment en maternelle pour l’apprentissage du langage.
Enfin, il n’y a aucune garantie sur le périmètre des REP et REP+ et il est probable que la mesure ne sera tenue qu’au prix d’un resserrement significatif de celui-ci pour des raisons budgétaires et d’une suppression des formations REP+ faute de remplaçant-e-s. Il y a d’ailleurs une série d’études qui ont préparé le terrain à cela : concentrer des moyens sur un tout petit nombre d’écoles et d’établissements.
Tout laisse donc penser que la mise en œuvre du « 12 élèves par classe » sera en réalité réduite à une partie des horaires d’un faible nombre de classes de quelques écoles qui serviront de vitrine. Cela sera sans doute très utile pour la communication gouvernementale mais pas du tout pour la transformation égalitaire et émancipatrice de l’école. Le service public d’éducation a besoin d’autre chose que d’effets d’annonce et d’écrans de fumée.
SUD éducation revendique :
– la baisse générale des effectifs par classe, des programmes dont les contenus laissent du temps à la manipulation, l’expérimentation, la recherche, la possibilité d’un réel travail en équipe et la mise en place de pédagogies coopératives
– le maintien de toutes les écoles dans les dispositifs de l’éducation prioritaire, avec des seuils d’effectifs réduits pour toutes
– plus de professeur-e-s des écoles que de classes dans toutes les écoles, la réduction du temps de service des PE : 18 heures d’enseignement et 6 heures de concertation et de travail en équipe, la différenciation entre le temps de travail des PE devant élèves et le temps d’enseignement pour les élèves.